Pierre Bouquerod, alors âgé de 20 ans, s’est engagé en août 1940 dans les Forces Navales Françaises Libres (FNFL) où il a notamment servi comme quartier-maître mécanicien au sein de l’équipage de l’aviso Commandant Duboc, qui comprenait 106 marins et dont voici l’histoire.
Mis en service en août 1939, le Commandant Duboc appartient à une série de 13 avisos de première classe, dragueurs de mines, dite de la classe Elan 630 tonnes. Il débute sa carrière dans l’Atlantique, puis participe à l’évacuation de la poche de Dunkerque (26 mai – 4 juin 1940). Il est saisi par la Royal Navy à Plymouth le 3 juillet 1940. Réarmé par les FNFL sous les ordres du lieutenant de vaisseau Bourgine, il appareille le 31 août vers Dakar pour rejoindre la force “M” dans la tentative de ralliement de Dakar (capitale de l’Afrique occidentale française) à la France Libre, qui fut un échec. C’est l’opération Menace qui oppose au large de Dakar près de Rufisque, du 23 au 25 septembre 1940, les forces françaises libres (comprenant deux autres avisos Savorgnan de Bazza et Commandant Dominé et le patrouilleur Président-Houduce) et les forces britanniques aux forces françaises obéissant au Gouvernement de Vichy. Au cours des affrontements, l’obus d’un canon de Vichy explosa sur la passerelle du Commandant Duboc faisant trois tués parmi l’équipage.
Après être resté immobilisé à Douala (au Cameroun rallié aux FFL) pour réparation de ses moteurs et de ses avaries du combat de Rufisque, il reprend son activité le 5 décembre 1940 et effectue plusieurs escortes de convois maritimes et transport de matériels (Afrique Equatoriale Française, Océan Indien, détroit de Gibraltar…). Au printemps 1941, il rallie la mer Rouge pour la campagne d’Erythrée, en appui des forces terrestres FFL engagées contre les Italiens.
Premier navire allié à pénétrer à Massaouah (Erythrée) le jour de la prise de la ville, il drague les deux chenaux d’accès au port mais ses missions sont écourtées à la suite d’avaries de moteurs.
Le 27 mai 1941 il quitte Aden pour Durban où il passera deux mois en grand carénage. Rappelé en Grande-Bretagne, il fait escale dans les ports de l’AEF (Cape-Town, Pointe Noire, Lagos, Freetown).
Sur la route de retour, il est affecté comme renfort d’escorte au convoi SL 87 jusqu’à Gibraltar (où il fera une tentative remarquée de sauvetage du cargo Silverbelle). Le 22 octobre il appareille pour escorter le convoi HG 75, prend part à divers engagements et s’illustre dans des opérations de sauvetage conduites avec détermination (21 rescapés du destroyer anglais HMS Cossack et plusieurs dizaines des cargos anglais Carsbreck et Alhama, protection du paquebot l’Ariguani).
Le 29 novembre 1941, le Commandant Duboc est mis en route isolément pour Belfast et entrera le 9 décembre à Bristol pour un grand carénage lors duquel il fût doté d’un appareil Asdic pour la détection des sous-marins. D’avril à octobre 1942, sous le commandement du lieutenant de vaisseau Pépin-Lehalleur, il effectue diverses missions en Afrique Equatoriale Française et dans l’Océan Indien.
Immobilisé à Cape-town pour une nouvelle phase de révision jusqu’en février 1943, il est affecté à des missions d’escorte entre Diégo-Suarez, Madagascar et Port-Saïd. Le 2 août 1943, date de la fusion des FNFL avec les Forces Maritimes d’Afrique du Nord (FMA), l’aviso se trouve à Beyrouth et rejoindra la Méditerranée. Il assure escortes et patrouilles dans le triangle Famagouste, Port-Saïd, Mersin puis le soutien des opérations du Dodécanèse en septembre et octobre. Après un carénage de juillet à novembre 1944 (ce qui l’empêche de participer au débarquement de Provence), il continue ses missions d’escorte principalement sur la ligne Marseille-Oran jusqu’à la fin des hostilités.
Entre juillet 1940 et mai 1945, le Commandant Duboc aura parcouru 155 000 milles en 641 jours de mer !
L’aviso commandant Duboc est titulaire de la Croix de guerre (3 citations), de la Médaille coloniale avec agrafe Erythrée et de la Médaille de la Résistance (décret du 29 novembre 1946).