16 Juillet 1944 – 16 Juillet 2024 – 80ème anniversaire de cette tragédie
Une cérémonie a eu lieu le 19 juillet 2014 pour commémorer l’incendie du 16 juillet 1944 à Ugna par le
Conseil Municipal de cette époque. Une plaque a été apposée sur le mur de l’ancien pèse-lait, place du
16 juillet 1944.
LE DISCOURS ET LES TEMOIGNAGES DE LA CEREMONIE
16 JUILLET 1944 – 16 JUILLET 2014
Monsieur le conseiller général,
Monsieur le président de la communauté de commune petite montagne
Monsieur le président des anciens combattants
Monsieur le président de la fédération nationale des anciens combattants d’Algérie
Monsieur le président du souvenir français
Chers collègues
Mesdames et messieurs
Depuis le début de l’année, nombreuses sont les manifestations commémoratives en France et dans le Jura de la deuxième guerre mondiale 1939-1945. Nous sommes réunis ce jour pour commémorer le 70ème anniversaire du 16 juillet 1944 suite au passage des troupes allemandes dans notre commune de Savigna et plus exactement au hameau d’Ugna.
Tout d’abord, une rétrospective de cette seconde guerre mondiale est nécessaire. Le 3 septembre 1939, la France et le Royaume Uni déclarent la guerre à l’Allemagne. Le 9 juin 1940, Marcel JUILLARD, enfant de la commune meurt au combat à Nanteuil-le-Haudoin dans l’oise. Le 22 juin, Le Maréchal PETAIN, Président du Conseil conclut l’armistice avec Hitler. Le héros de 14-18 devient le Chef de l’Etat Français le 11 juillet après avoir été investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée Nationale.
La France est divisée en 3 zones, une zone occupée, une zone de réserve et une zone libre, Le département du JURA est le seul département français coupé en trois, Savigna se trovant dans la zone libre. Le 11 novembre 1942, l’Allemagne envahit la zone libre tout en maintenant le gouvernement de Vichy.
En avril 1944, l’armée allemande a traversé la région en faisant une halte dans le village pour réquisitionner de la nourriture auprès des habitants. Déjà la peur des habitants était perceptible, les hommes avaient quitté le village, certains étaient prisonniers. Le 17 avril, le château de Marigna sur Valouse est incendié par les troupes allemandes car le propriétaire avait recueilli des maquisards.
Début juillet 1944, la contre offensive « Treffenfeld » de l’armée allemande se prépare début juillet 1944 dans le Jura Sud, et une rumeur fait entendre qu’une centaine de camions allemands sont attendus en renfort. C’est alors que des embuscades sont organisées par les forces françaises intérieures (FFI) qui se tiennent tout au long de leur parcours.
Le samedi 15 juillet, le groupe nommé « Corps-Franc de la libération rattaché au district de Beaufort reçoit l’ordre suivant :
leur mission :
- Organiser une embuscade sur la route d’Orgelet-Thoirette.
- L’emplacement prévu est la région de Chatonnay.
- La composition du détachement est de 30 hommes de la compagnie Pigeon plus le groupe de destruction de Lons.
- La prise en place du cantonnement est à Chatonnay à partir de 20 heures, embuscade prévue au point du jour.
Mais pour l’attaque, le village d’Ugna est propice puisqu’il domine la route.
Les foins étaient finis et tout était remisé dans les granges, les moissons commencées car on manquait de nourriture et le pain était indispensable.
Les témoignages recueillis auprès des derniers témoins des journées du 15 et 16 juillet vous donneront une idée de ce qui s’est réellement passé et seront plus crédibles qu’un discours.
1er témoignage : (LOUIS)
« Le 16 juillet 1944, j’avais 18 ans. Je me souviens que c’était un dimanche, il faisait très chaud. Les maquisards nous avaient prévenus de l’arrivée des Allemands. Avec d’autres jeunes et certains hommes nous avons quitté le village le 15 juillet, on s’était réfugiés dans les bois de Savigna dans les hauteurs.
Le dimanche, depuis là ou j’étais je voyais les colonnes remonter la route. Une fois que l’on a plus rien entendu, on pensait que c’était fini. Alors on a voulu regagner le village. En arrivant à Savigna on a entendu des tirs, alors on est remonté de suite.
Puis les tirs venaient du côté du château d’Ugna en direction de la route. On a vu une voiture s’arrêter sur la route en bas d’Ugna, on les a vus prendre un corps et partir vers la gare, ils étaient restés là un moment. On les a vu faire demi-tour et repartir vers Arinthod. Après on a vu des camions, on a supposé qu’ils avaient des munitions, des hommes sont descendus des camions et ont tiré vers les maquisards qui apparemment été déjà partis.
On a vu les hommes monter à Ugna et arriver par la ranche.
On est resté sans bouger. De là où on était on a vu la première maison brûler. Je sais que dans certaines maisons ils avaient libérer les bêtes avant d’y mettre le feu, mais pas pour la nôtre. Quand nous sommes revenus j’ai vu que les bêtes avaient brûlé.
Quand nous sommes rentré le soir, on a retrouvé les personnes qui n’avaient pas quitté le village. Les Allemands leur avait dit qu’ils ne feraient pas brûler les maisons occupées, mais finalement ils l’ont fait quand même devant les femmes présentes.
Je me souviens que des jeunes d’Arinthod étaient venus nous aider à enfuir les vaches brûlées au bout du village.
Je pense que tout a vite brûlé car les foins étaient terminés.
Notre maison étant détruite, le soir mes parents avaient couchés à la ranche vers ma sœur et moi dans une des cabanes épargnées. Mes parents y sont restés environ un an, quant à moi je couchais où je pouvais. Au bout d’un an, nous sommes partis à Marzenay.
Quand les cabanes en bois ont été construites, nous sommes revenus à Ugna et on a acheté quelques bêtes, peu par rapport à ce que l’on avait ;
On est resté dans ces cabanes jusqu’à la construction de notre maison. D’ailleurs au moment de la reconstruction chacun devait se débrouiller pour trouver les artisans et l’architecte. La reconstruction s’est faite mais les maisons n’étaient pas alignées comme avant.
Je dois dire qu’une partie des maisons n’avaient pas brûlé et on ne sait pas pourquoi.
En avril 1944, les Allemands étaient déjà venus. Ils nous avaient tous regroupés, les jeunes et les hommes. Nous étions descendus jusqu’en bas des prés vers Chatonnay. Des bus nous attendaient mais après avoir discuté en allemand avec le chauffeur, au bout d’un moment ils nous ont laissait partir en disant qu’ils reviendraient.
Il faut dire qu’Ugna est bien situé, on voit la route, c’est peut-être pour cela qu’ils étaient venus. »
2ème témoignage : (MME S)
« La veille de l’incendie du village d’Ugna, des maquisards sont venus s’installer sur la colline face au pont de la Valouse. Ils nous ont dit qu’une colonne d’Allemands passerait sur cette route et qu’ils s’attaqueraient à la dernière voiture, ce qui fut fait, sans compter qu’une deuxième colonne suivait. Quand celle-ci arriva, elle trouva un mort et une voiture endommagée.
Les soldats Allemands se dirigèrent vers le village et ils entreprirent une fouille de toutes les maisons pour trouver les tireurs. Ils nous firent sortir et courir sur un petit coin de la place, serrées les unes contre les autres puisque nous n’étions que des femmes et des enfants ainsi qu’un homme d’un certain âge.
Un soldat face à nous, une arme à la main qu’il manipulait de droite à gauche et de gauche à droite, ce qui nous faisait le plus peur était le chapelet de balles qu’il avait autour du cou comme dans les films.
Toutes les maisons autour de nous étaient en flammes. Leur besogne accompli, ils partirent, ils avaient l’air très pressés, nous avons pensé qu’ils avaient peur des maquisards car ils nous avaient demandé s’ils étaient nombreux. Nous avons dialogué avec deux hommes en costume militaire bleu marine qui nous donnaient des ordres et qui parlaient correctement le français. Un de ces hommes avait été reconnu pour être de Pont de Poite. Ceci c’est passé vers 11heures, nous ne savions pas qu’ils étaient partis. Vers 15 heures nous étions toujours sagement en place, des scouts qui campaient à Fétigny et qui avaient vu le village en flammes sont arrivés avec des seaux de lait. Ils nous ont dit, vous pouvez bouger, ils sont partis, mais rien n’a pu être sauvé, heureusement les animaux de la ferme étaient dans les champs. En fin d’après midi les habitants des villages voisins étaient venus offrir l’hospitalité. »
3ème témoignage : (HUGUETTE ).
« J’avais 10 ans et la journée du 15 juillet fut assez particulière car des allées et venues laissaient présager un certain remue-ménage. En effet, en fin d’après midi, de nombreux maquisards s’installaient dans le village. Ils avaient l’intention d’attaquer la colonne allemande qui devait passer sur la route en contre bas.
Dans la soirée, craignant de se retrouver dans le feu de l’action, mes parents décidaient de quitter les lieux car avec cinq enfants de 6 mois à 13 ans, ils ne pouvaient pas rester jusqu’au dernier moment, sauf papa qui devait s’occuper des bêtes.
C’est ainsi que Maman et nous cinq, nous nous apprêtions à partir, lorsque le chef des maquisards nous arrêta en disant « Vous ne craigniez rien, nous sommes là pour vous défendre. Comme nous le verrons, cette défense était bien illusoire !!!! Enfin, nous avons continuer la route et trouvé refuge à la combe de Marigna où nous sommes restés plusieurs jours.
Le 16 juillet au matin, tout paraissait calme. Vers 10 heures, nous avons entendu des coups de feu et des rafales de mitrailleuses, puis plus rien. Nos grands défenseurs après avoir déchargé leurs armes sur les Allemands se sont sauvés à toute vitesse, laissant le champ libre aux envahisseurs. A midi, le village était mis à feu et de loin nous avons vu notre maison s’enflammer la première. Sans nouvelle de papa, nous étions très inquiets et en fin d’après midi, il est venu nous retrouver « tout retourné ». Ses premières paroles ont été « tout est brûlé mais nous sommes tous en vie, c’est le principal ». Il venait de frôler la mort car en quittant précipitamment la maison, une balle lui avait rougi une oreille.
Les Allemands ont investi le pays et ont visité chaque ferme avant de l’incendier. Chez nous, ils ont détaché les bêtes qui ont pu se sauver, mais chez d’autres les animaux ont brûlé avec le reste.
Bien sût, la plupart des habitants avaient quitté les lieux mais certaines personnes âgées n’avaient pas voulu partir. Les Allemands les avaient réunis sur la place, avec sûrement l’intention de les tuer. Au dernier moment, avant de partir, un gradé a donné l’ordre de les épargner.
Quel désespoir pour toute la population ! Plusieurs familles n’ayant pas d’autres possibilités ont dû quitter Ugna pour se loger à Marzenay et à Savigna. Pour notre part, nous avons récupéré la petite maison de mes grands parents vers la fontaine. Nous étions 7 dans deux pièces. Comment s’en sortir quand on a plus rien ! Heureusement beaucoup d’aides du voisinage nous sont parvenus (vêtements, produits de première nécessité).
Le lendemain, la première urgence, pour les hommes, était d’enlever et enterrer les cadavres d’animaux qui avaient péris dans les flammes. Vu la chaleur, il fallait éviter toute contamination.
Chaque foyer était logé assez sommairement, vers les années 45-46, des maisons en bois ont été attribuées au plus démunis. Ce n’était pas très confortable (froid en hiver, chaud en été), mais elles donnaient un peu d’espace. Pour les récoltes et les animaux, de grands hangars ont été construits en bois aussi. Certains sont encore en usage. Les familles expatriées ont pu revenir au village en attendant la reconstruction.
Pour anecdote : « les Allemands avaient récupéré le phonographe de maman, avec les disques et avaient disposé le tout autour de la Croix sur la place. Ils nous souhaitaient sans doute de danser devant les flammes !!!! Le phono et les disques furent les seules choses sauveés du feu. »
4ème témoignage : (MME M.)
« Elle avait 13 ans, cette année là, et son cousin de 22 ans recherché par les Allemands et réfugié au village. Tous les deux n’ont pas oublié ce triste dimanche de juillet.
Lui, averti du danger encouru s’est caché près de la rivière. De là, il a entendu les mitrailleuses en provenance d’Ugna sur la première voiture précédant la colonne allemande. Persuadé que cette action ne resterait pas sans conséquence, les évènements qui ont suivi ne l’ont pas étonné.
Elle, sa sœur et ses cousines, sortant de la messe de La Boissière, sont restées avec les autres, cloueés sur place à la vue du village d’Ugna en flammes, terrorisés par le beuglement des bêtes coincées dans les étables.
Pour les enfants qui avaient déjà assisté à l’incendie du château de Marigna et tremblé lorsque les allemands avaient pénétré dans l’église au moment du catéchisme, ne quitteraient jamais leur mémoire !!! (comme la vision des jeunes gens courant derrière la gare de Chatonnay et se faisait abattre par les Allemands).
5ème témoignage : (le frère et la sœur)
« En 1944 les armées allemandes n’étaient plus dans un esprit de conquêtes, mais se regroupaient soit sur l’Atlantique, soit sur l’Allemagne. La population était au courant de ces mouvements et à Arinthod, on était prévenu qu’une colonne allemande venant de Thoirette et se dirigeait vers Lons-le-Saunier. Afin d’être en sécurité, mon père décida que toute la famille serait mieux à Ugna où il possédait une maison que nous avions habité jusqu’en 1936 et où mon frère (12 ans) était placé dans une ferme. Agée de 8 ans, je ne me souviens pas du voyage mais à Ugna, je suivais mon frère qui gardait les vaches et les moutons.
La veille du 16 juillet 1944, j’étais avec mon frère et nous gardions les vaches dans un pré situé entre Ugna et Marigna. Le soir en rentrant, sur le chemin à l’entrée du petit bois il y avait plusieurs charrettes à foin sur lesquelles étaient entassés des meubles, lits, armoires etc…et les femmes pleuraient.
Ce jour là, un groupe de « FTP » originaire du midi de la France était venu dans le village et avait prévenu que le lendemain ils ouvriraient le feu sur la colonne allemande. Malgré les demandes et les supplications des habitants qui savaient la réaction normale des allemands serait de brûler le village, voir pire de massacrer les gens, le responsable resta ferme sur sa décision.
Le lendemain, je suis retournée avec mon frère garder le troupeau de vaches dans le même champ. L’après midi nous avons entendu des coups de feu et nous avons vu les « FTP » armés qui se repliaient en courant dans la direction de Marigna.
Après le calme est revenu et ensuite on a vu de la fumée qui provenait du village, nous sommes restés très tard ans le champ et quand nous sommes rentrés à Ugna, nous avons vus toutes les maisons brûlées.
Je n’ai aucun souvenir de la suite des évènements.
Par contre, tous les ans pendant les vacances scolaires, je revenais garder les vaches et les moutons qui avait loué une ferme à Marzenay. Aussi j’ai vu le village se reconstruire. Notre maison a été reconstruite à Arinthod en 1952.
Conclusion : Les « FTP » (francs tireurs partisans) n’étant pas de la région n’avaient que faire du désespoir des habitants, cette action aurait tué un allemand, mais en aucune façon retardé la colonne allemande et aurait pu se terminer de façon plus tragique. »
6ème témoignage : (Jeanne)
« Le 16 juillet 1944, des maquisards sont venus nous prévenir de l’arrivée des troupes allemandes. C’était dans la nuit, vers 4 heures du matin, c’était un dimanche.
Mes parents avaient décidés de nous faire quitter la maison, nous étions partis à la Combe.
Nous y sommes restés jusqu’à 9 heures. On est revenu au village mais après notre retour on a entendu des tirs vers la Ranche. De peur, nous sommes repartis, on entendait les cloches sonner la messe à Savigna.
Je sais que les Allemands sont montés à Ugna après le décès d’un soldat en bas au pont de Chatonnay.
Je ne voyais plus le village, par contre j’entendais les chevaux qui arrivait et la colonne qui passait.
Nous sommes revenus le soir et j’ai vu que tout avait brûlé. Chez no us les foins étaient terminés depuis la veille, tout avait été rangé.
Personne ne demandait rien et on attendait que l’on nous propose de nous héberger. Le soir même ne pouvant rester à Ugna, nous nous sommes réfugiés à Savigna. Nous avons véçu là-bas pendant deux ans dans une maison à l’entrée du village.
Ma famille est revenue en 1946 dans une des maisons en bois. Notre maison a été reconstruite en 1950. Elle n’a pas été construite là où elle se trouvait au début.
Dans le village toutes les maisons ont été brûlées sauf la maison du Maire, les maisons de la Ranche et le château.
On ne sait pas pourquoi les Allemands sont venus à Ugna, ils étaient déjà venus en avril 1944.
7ème témoignage : (MR M.)
« 70 ans déjà » Quand je passe devant le monument aux morts de la Commune, je suis obligée de penser à ceux qui se sont fait massacrer pour une soi-disant « der des der ». (la première guerre mondiale 14-18)
Hélas 30 ans plus tard, j’ai vu brûler le village d’Ugna. C’était un beau matin d’été, une colonne allemande passait sur la route quand brusquement des rafales de fusils mitrailleurs crépitent sur le parcours de Mulpingre.
A l’époque, il n’y avait pas un seul pin. Sur la route en bas, dans les virages dits de rousse, deux véhicules étaient arrêtés sur le bord de la route. Mon père dit : « ça va faire vilain », je pars me cacher avec le voisin. Environ une heure plus tard, une rafale me paralysait dans le tas de sable où je jouais. J’ai vu décrocher la colonne de FFI qui se dirigeait vers la côte de « Crin ». Puis une fumée noire a envahi le ciel au dessus du village d’Ugna.
Le silence était rempli par les crépitements des poutres qui brûlaient et le beuglement des bovins qui étaient pris dans la fournaise. »
Nous ne pouvons rester de marbre devant de tels témoignages, tous différents des uns des autres et qui retracent les évènements de cette du 16 juillet 1944. Nous comprenons que cette journée est restée gravée dans leur mémoire, car comment peut-on oublier de telles atrocités ?
Nous les remercions chaleureusement pour avoir eu le courage de nous raconter ces évènements.
Pour compléter ces témoignages, nous voulons vous faire part d’une lettre du Maire de Savigna adressée au chef de la Résistance le Colonel VANDELLE le 7 janvier 1947, en réponse à une demande de renseignements sur les faits de la résistance. Ce courrier a été trouvé dans une archive privée qui nous a été remis par Monsieur ROBERT, historien, habitant dans notre région et nous le remercions vivement pour son aide.
Monsieur le Lieutenant Colonel VANDELLE,
« Comme suite à votre demande relative aux renseignements et relation des faits de la résistance, j’ai l’honneur de vous faire connaître tout d’abord qu’il n’y a pas eu de parachutage, mais le hameau d’Ugna a presque été sinistré tout en entier (17 maisons sur 24) par suite de représailles par les Troupes Allemandes le 16 juillet vers 11 heures de l’année 1944.
Voici en quelques lignes les faits :
Un groupe de cavaliers allemands était passée sur la route se dirigeant sur Thoirette, venant de Lons, le 12 juillet.
Très probablement que les maquisards devaient savoir que cette colonne devait revenir de Thoirette et se rendre à Lons le 16 juillet, puisque le 15 dans l’après-midi un groupe de maquis (groupe Pigeon, je crois) prit position au lieu-dit « La forêt », territoire du hameau d’Ugna, position qui domine la vallée de la Valouse et principalement la route d’Orgelet à Arinthod, et avait pointé leurs mitrailleuses sur la route.
Le 16 au matin, vers 6 heures, la colonne de cavaliers allemands repassait sur la route, une fois la colonne passée, de temps en temps une auto ou deux passait isolément.
Tout à coup vers 8 heures les mitrailleuses se mettent à tirer (et ce malgré les supplications des habitants du village disant qu’ils allaient nous faire arriver de graves ennuis). Sur une auto isolée, il y a eu un officier allemand tué.
Après avoir tiré trois ou quatre rafales de mitrailleuses, ces maquisards se sont sauvés comme une volée de moineaux, ont franchi la rivière « Le Valouson » et se sont camouflés dans la forêt au lieu dit « Bois de la Roche » sans attendre l’arrivée des allemands, en abandonnant une voiture automobile, des bicyclettes, des couvertures, des bâches et une certaine quantité de munitions (ce qui n’est certes pas à leur honneur), et ont laissé le pays à la merci des brutes.
Résultat de l’opération : 17 maisons sur 24 sinistrées. Il n’y a pas eu de victimes, la population se rappelant le coup de Dompierre sur Mont où il y a eu 21 victimes, quelques jours auparavant, avait presque complètement évacué le pays, il ne restait que quelques vieux.
Voici en quelques mots ce qui s’est passé sur le territoire de ma commune. Si toutefois, il vous manque quelques précisions, veuillez me le faire savoir.
Recevez, Monsieur le Lieutenant Colonel, mes salutations distinguées.
Les familles ayant tout perdu ont été relogées dans des différentes maisons à Marzenay, Savigna, et la solidarité à été très présente pour faire face à leurs besoins.
Leurs calvaires ne s’arrêtaient pas là, il y a eu ensuite la reconstruction du village.
Le Conseil Municipal a pris des délibérations pour la reconstruction des habitations d’abord en bois en 1946 et en dur à partir de 1950.
Voici les extraits des délibérations prises en conseil municipal :
- du 19 Juillet 1945: présentation du plan de reconstruction du hameau établi par un architecte. Le conseil municipal demande que le plan soit révisé en donnant droit aux réclamations émises et ne donner son approbation qu’à cette condition.
- du 14 octobre 1945: Nouvelle présentation du plan de reconstruction du hameau établi par le même architecte en tenant compte des réclamations, là aussi le conseil municipal demande qu’il soit révisé suite aux réclamations des sinistrés et il ne donnera son approbation qu’à cette condition.
- du 7 avril 1946: Le conseil municipal émeut par la lenteur mise pour la construction des baraquements provisoires d’Ugna, demande que le nécessaire soit fait pour activer les travaux. Les familles sinistrées demandent d’urgence de rentrer au pays avant les grands travaux d’été.
Considérant que le bâtiment communal de la section d’Ugna est en bon état et répond aux besoins auquel il est affecté, le conseil municipal n’en autorise le transfert et la modification que si la reconstruction prend en charge tous les frais. En cas d’acceptation de cette dernière, le conseil municipal proteste néanmoins contre l’emplacement qui a été choisi pour le nouveau bâtiment.
- du 4 novembre 1946: Après avoir pris connaissance de l’exposé de l’architecte inspecteur départemental de l’urbanisme, le conseil municipal accepte le principe du plan d’urbanisme, sous réserve d’étudier le bâtiment communal dans l’avenir et émet le vœu qu’une carrière de sable soit ouverte au lieu-dit « Le martelet » pour servir à la reconstruction des sinistrés de la commune.
- du 17 novembre 1946 : Après avoir pris connaissance de l’exposé de l’architecte, le conseil municipal accepte le principe du plan d’urbanisme sous réserve d’étudier le bâtiment communal dans l’avenir.
- du 10 avril 1947 : Conformément à l’arrêté pris par Monsieur le Préfet du Jura en date du 5 mars 1947 et après avoir pris connaissance des réserves faites par les intéressés et de l’avis de Monsieur le Commissaire enquêteur, nous confirmons notre avis favorable donné en séance extraordinaire du 4 novembre 1946 et demandons que les demandes justifiées soient prises en considération, nous demandons également que :
- Le bâtiment communal soit étudié dans l’avenir.
- Qu’une carrière de sable soit ouverte au lieu dit « Le martelet », l’exploitation de cette carrière de bon sable pourra servir à la reconstruction des sinistrés de la commune (hameau d’Ugna).
Dans la même séance : acceptation du périmètre de reconstruction du hameau d’Ugna :
- émet un avis favorable au tracé du périmètre de reconstruction à l’intérieur duquel l’Etat se subsistera aux droits et obligations de la commune et prendra à sa charge l’exécution des travaux visé à l’article premier de l’arrêté interministériel du 20 octobre 1945, modifications des voies publiques existantes, reconstructions et modifications des réseaux existants.
- Accepte la reprise gratuite par l’Etat des terrains affectés primitivement à l’assiette des voies publiques.
- du 20 février 1949 : Le conseil municipal demande à Monsieur le Préfet l’autorisation de louer la carrière de sable du Martelet au profit de la section d’Ugna.
Avec toutes les difficultés administratives et techniques, les habitants sinistrés, ne pourront retrouver une maison digne de ce nom qu’à partir des années 50 soit plus de six ans après l’incendie.
Le 8 mai 1945, l’Allemagne nazie capitule. Aujourd’hui l’Europe occidentale vit sa plus longue période de paix depuis le début de son histoire. La construction de l’union européenne
a contribué au dialogue et à la réconciliation des peuples et au maintien de la paix.
Winston CHURCHIL disait « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre ».
Les dix sept maisons incendiées doivent rester dans nos mémoires et transmis aux futures générations pour ne pas oublier. C’est pour cela que le Conseil Municipal de Savigna a décidé d’apposer une plaque sur le bâtiment communal d’Ugna pour commémorer ce 70ème anniversaire.
Merci aux témoins d’avoir accepté de nous raconter leur histoire.
Merci à Alain, Monique, Daniel et tous les bénévoles qui ont contribués au bon déroulement de cette commémoration.
Merci à la batterie fanfare d’Orgelet, toujours disponible quand on l’a sollicite.
Merci à André ROBERT pour son aide, auteur du livre « jura 1940-1944 territoire de résistance »
Merci à la mairie d’Arinthod.
Merci aux conseillers municipaux pour leur investissement.
Merci de votre présence et nous vous invitons à partager le verre de l’amitié.
Les photos de la cérémonie du 19 juillet 2014