Je vous parle d’ un temps que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître…
Jusqu’à la fin des années 50, chaque dimanche, se réunissaient à Légna, aux Ormes, de nombreux joueurs de quilles au café de Marcel Futin, papa de Simone Vuillod, décédée en 2010.
Aujourd’hui, seuls quelques acacias (et non des ormes!) rappellent l’endroit où se disputaient ces interminables parties. C’était l’époque du “renfort”, l’époque durant laquelle la fête patronale attirait tant de monde, qu’elle se poursuivait le dimanche suivant. Le bal monté lui-même s’était épris du jeu de quilles!
Un jeu fait maison bien sûr, avec ses quilles en frêne ou charmille tournées au village, et sa boule façonnée à partir d’une racine de buis, sans oublier » le chien ». Oui, le chien, une bûche de bois d’environ un mètre couchée devant les quilles, que le lanceur devait éviter de peu pour réaliser le meilleur score. Il va sans dire que les mises pouvaient vite s’envoler; on dit même que certains allaient jusqu’ à parier une paire de bœufs! On n’était pas là pour rigoler! En témoigne Lili Paget dont la tante avait malencontreusement reçu une boule en pleine face, la blessant sérieusement.
Mais laissons la parole à Lili Paget:
« Tous les villages avaient leur jeu de quilles d’une longueur de 20 mètres environ, avec une planche au centre pour guider la boule. Il se composait de 9 quilles.
La particularité de celui de Légna : devant les quilles se trouvait un plot de bois appelé « le chien » ne laissant apparaître que la 1ère quille et les suivantes derrière. Pour bien jouer il fallait faire rouler la boule contre la « moraine » droite avec effet, pour que la boule rentre dans les quilles sans toucher « le chien » C’était tout un art que beaucoup maîtrisaient bien.
Je me souviens que, tous les dimanches dans les années 40 le jeu fonctionnait. Le jour de la fête (1er dimanche d’août) il y avait foule pour jouer et parier.
Jeu normalement sans risque, et pourtant à Légna un dimanche dans les années 43- 44 il y aurait pu avoir un drame. Ce jour là, c’est moi qui relevait les quilles (je « renquillais ») , ma tante Marguerite Futin avec d’autres dames étaient assises sur un tronc d’arbres à 2 mètres du jeu, et discutaient. Heureusement, elle regardant sa voisine… Elle a reçu la boule en plein front, le joueur un jeune du maquis de Montadroit, gaucher, pas habitué à ce jeu, a envoyé la boule en l’air, atteignant ma tante qui s’écroula le front éclaté. Si elle l’avait reçu à la tempe elle serait morte sur le coup.
C’est moi qui, en vélo suis allé chercher une sœur à la maison de retraite d’Arinthod qui vint lui faire une piqûre de calmant. Le maquisard qui était de St-Amour est monté à Montadroit chercher le docteur Lévy qui était aussi au maquis.
Après 15 jours de lit elle est repartie jusqu’à 90 ans, mais elle eut de la chance ! »
Si le coup de boule de Zidane a fait le tour du monde, le coup de boule des Ormes avait dû faire, ce jour-là, le tour de Légna !
Hervé BON