Le Valzinien du mois : René Bernard

 interviewé par Hervé Bon et Alain Laignel  

René : Messieurs, bonjour.

VePM : Bonjour René. Laisse-moi deviner à ton accent … Tu es Jurassien !!! 

René : Depuis toujours ! Né à Légna en avril 1935. Rue Basse, dans la maison juste en face de nous. 

Dans ma famille, on va retrouver les Futin, les Menouillard, les Bernard d’Orgelet (adieu mon cousin Louis) et encore d’autres fratries célèbres dans la Petite Montagne, comme mon épouse Josette, née Mathon à Givria. 

Mon grand-père ferrait les chevaux et les bœufs, et assurait le service de taxi, le premier dans la région. 

Mon père était fermier et tourneur. Il est décédé à 48 ans des suites d’une piqûre de vipère aspic. Cette année-là, sont morts mon père, mon grand-père et notre commis, écrasé par une charrette de bois à Légna. Je n’avais que 14 ans. 

VePM : Parlons un peu de ta carrière.  

René : Justement, à mes 14 ans, je me préparais à rentrer dans l’ électricité à Lyon, et finalement, je suis tombé dans le bois (façon de parler) à Légna ! Et oui, suite à ces  tragiques événements familiaux , mon parcours à Lyon fut compromis.  

J’ai laissé tomber la Martinière (concours d’ électricien bien connu) et je me suis inscrit à l’Ecole du Bois à Lons-le Saunier durant 3 ans. 

 Là, j’ai eu la grande chance d’être formé par le célèbre compagnon nommé Tibère. J’y ai appris la charpente et l’ébénisterie . 

A l’époque, la grande spécialité de la région était la tournerie mais je n’y ai pas trop touché. Pourtant, des entreprises comme Mathon, créateur de robinets de foudres (NDLR : très gros fûts), étaient connues dans toute l’Europe. Le moulin de Légna a employé jusqu’à 20 ouvriers! Moi, je faisais un peu figure d’ intrus …mais j’ avais eu le coup de foudre… C’ était ébéniste !!! 

VePM : Tu as fait partie du conseil municipal de Légna. Dans quel domaine t’es-tu illustré ? 

René : Dans l’ approvisionnement en eau. Les besoins en eau de Légna ont toujours été très importants. Deux sources assuraient l’ alimentation des entreprises (porcherie, fromagerie, tourneries …). J’ai apporté mes talents de sourcier, baguettes en mains, avec pas mal de succès ! Plus sérieusement, en tant que 2ème adjoint, j’ai eu de grosses responsabilités dans ce domaine car nous devions garantir un débit permanent. Et les sécheresses étaient parfois plus terribles que celles que l’on subit de nos jours … 

Nous avons fait des recherches pour localiser les sources, et grâce à des techniques de coloration, nous avons pu déterminer que l’eau venait du lac de Viremont. Nous avons également réalisé un captage depuis le nouveau réservoir situé juste au-dessus du village de Légna, qui était à l’ origine alimenté par celui du Pélan.  

Quand on allait surveiller les cours d’ eau, je me souviens de nos mémorables chasses aux grenouilles… Mais gare aux gendarmes ! Aujourd’hui il y en a bien moins… (des grenouilles, pas des gendarmes)… Et nos chasses aux gros escargots blancs !!!! Oh la la… !!! Rien à voir avec les petits machins que l’on trouve aujourd’hui … 

VePM : Tu veux bien nous parler de la la guerre d’Algérie ? 

René : J’ai été appelé au 6ème régiment de Dragons en 1956 pendant 21 mois comme pilote de chars. 

En tant que soutien de famille, je n’étais pas supposé partir en Algérie mais voilà … le sort et l’Administration Militaire en ont décidé autrement : mon père n’était pas mort à la guerre, je n’étais pas Pupille de la Nation … 

Et j’y suis donc resté près de 2 ans. 

Nous en avons bavé, beaucoup n’en sont pas revenus. Les rescapés sont restés très soudés, nous nous voyons toujours. Enfin, ceux qui sont encore là … 

VePM ; Et par la suite tu as continué à servir en devenant Porte-drapeaux.  

René : Oui, cela fait 15 ans. J’attends la relève, mais c’est toujours un Honneur pour moi d’assurer la quasi-totalité des manifestations, avec Philippe Déprez, d’ Agea, Président du Souvenir Français. 

VePM : Venons-en au fleuron de Légna : le site de la Côte des Vignes. Pour sa création, on pense bien sûr à notre regretté ami Lili Paget, mais il y eut aussi toute une équipe au sein de laquelle tu occupais une place très active, pour la suite que l’on connaît. Explique nous comment on s’est retrouvé tout là-haut avec plein de motos pétaradantes ?

René : Et bien, au début, les motos ont commencé à pétarader au cœur du village, avec des nuisances, au sujet desquelles nos concitoyens ont eu vite fait de grogner(pour rester polis)  

Les motards ont donc pris leurs motos sous le bras et ont grimpé vers le lieu-dit la Côte des Vignes. A l’origine, le parcours (!) slalomait entre les genièvres, alors on y a mis un peu d’ordre à la faux et à la serpette…et c’est devenu la piste à peu près telle qu’elle existe actuellement. 

Les travaux et les premières agapes se sont déroulés un peu rustiquement sous des bâches. Puis on a récupéré un hangar à Oyonnax.  

Démontage des fermes (NDLR grosses poutres de charpente), récupération, transport, remontage, et hop, en 2 temps 3 mouvements, le bâtiment de la Côte des Vignes était né !  

Et le parquet que j’y ai posé a pour origine la construction du Conseil Général, qui nécessitait le démantèlement de ma caserne à Lons… parquet pas perdu pour tout le monde ! 

Puis un de nos participants aux corvées, cadre chez Grosfillex, a pu sauver un lot de portes et fenêtres qui n’avait pas trouvé preneur. Toutes neuves, double-vitrages, que du bonheur, Versailles je te dis ! 

Et puis arrivèrent les premières compétitions de Motocross, jusqu’au niveau national (entre 2000 et 3000 personnes présentes chaque jeudi de l’ Ascension sur le site !). 

Et le bâtiment accueille aussi les fêtes, mariages, anniversaires…etc  

VePM : Mais on prétend qu’ avant les compétitions de moto, vous influencez un peu le hasard en vous conciliant les bonnes grâces de la Sainte qui veille sur le site, en allant lui porter un bouquet de fleurs avant les compétitions ? C’est pas un peu tricher tout ça ???

René : Pas du tout ! C’est la Gaby qui a lancé la tradition. 

Et la Gaby c’est Marie-Gabrielle, ma maman ! La coutume a été perpétuée par mon épouse Josette, moi-même, Lili, Léon David et quelques autres. 

Vepm : Et tout le monde sait qu’à Légna on ne manque jamais une occasion de faire la fête !  

René : Absolument !!! Et depuis 2019 on y accueille également le Festival des Gueules de Bois qui a connu un grand succès pour sa première édition. 

VePm : Et pour le bonheur de beaucoup, tu fais de la musique ! Parle-nous de ton instrument ? 

René : Un cousin m’a fait cadeau d’un accordéon qui venait d’Allemagne ! Les cours assurés par un dénommé Marceau étant hors de portée de notre bourse, j’ai appris tout seul, sans connaître le solfège, devant l’armoire à glace, à l’oreille ..  

Et j’ai assuré l’animation de beaucoup d’événements, dont le mondialement célèbre Bal de Légna , sur le parquet cité plus haut, soigneusement talqué par mes soins !!! 3 notes, et roulez jeunesse ! 

VePM : Et on a toujours eu le plaisir de te voir fidèle parmi les fidèles au Théâtre ? 

René : Je n’ai jamais manqué une seule des représentations que nous propose le Groupe Théatral Valousien de Savigna, avec ma famille. Et on rigole toujours autant !!! Même après avoir vu plusieurs fois la même pièce !!! 

VePM : Et on sait qu’on va continuer à te voir de nombreuses années chaque fois qu’il y aura de l’animation quelque part ! 

Merci René pour ton temps et pour toutes ces informations. 

René : Et puisque c’est une coutume sympathique, on va boire l’apéro !

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